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20 avril 2024 6 20 /04 /avril /2024 16:54

Un vendredi de janvier 1942

 

Madeleine s’active dans leur petite chambre, pour que tout soit propre et joli afin d’accueillir son homme. Stanislas devrait rentrer pour le weekend. Nadja s’est endormie dans son berceau, quand Madeleine se rend compte qu’elle n’a plus de pain. Hésitante, elle se dit que le bébé dort, et qu’elle n’en a que pour quelques minutes, le temps de descendre, de courir à la boulangerie, et de revenir, la petite ne se rendra pas compte de son absence. Elle couvre Nadia d’un lainage supplémentaire, l’embrasse sur le front, et sort sans bruit. Laissant la clef sur la porte, afin que les voisins interviennent si la petite pleurait trop fort. Elle dévale les escaliers, et court dans la rue jusqu’à la boulangerie. Elle a oublié qu’il pourrait y avoir la queue, comme de plus en plus souvent. Dans la file, les gens discutent entre eux, échangeant sur le prix de toute chose, les tickets d’alimentation, la faim, les maladies, les enfants, la guerre, les attentats… Madeleine ne s’en mêle pas, elle est préoccupée, « si ma douce Nadiejda se réveille et qu’elle pleure, pourvu que la queue se résorbe suffisamment vite… ».

Enfin c’est son tour de prendre une part de pain noir contre ses bons de rationnement.  Elle se presse pour remonter la rue d’un pas rapide, quand elle croise un voisin.

  • Ah vous êtes là ! S’écrit-il, on a entendu la petite hurler alors on est monté voir, et on a vu les boches chez vous !

Stupéfaite, elle en laisse tomber son filet avec son pain. L’homme le ramasse et lui tend.

  • Ça va aller ma p’tite dame ?  Madeleine pense à toute allure, son bébé qui doit avoir été réveillé par ces brutes, et Staczek qui va arriver par le bus … que faire ? Elle demande au voisin s’il veut bien attendre son mari à la station de bus pour le prévenir de ne pas monter, mais l’homme refuse,
  • Ah non non non ! Je ne veux pas avoir d’ennuis moi ! Je ne sais pas ce que vous avez à vous reprocher tous les deux, et je ne veux pas le savoir ! ça ne me regarde pas ! C’est déjà bien que je vous prévienne.

Et il s’en va. Madeleine a le ventre qui se tord d’angoisse. Elle se dit qu’« ils » ne feront rien à un bébé, du moins l’espère t’elle, qu’il n’y a rien à trouver chez elle, mais que Staczek ne doit surtout pas rentrer à la maison. C’est sûrement lui qu’ « ils » sont venus chercher. Elle se résout donc à l’attendre, les mains dans les poches de sa veste. Ils ont convenu de cela ensemble, si jamais il y avait une alerte, mettre les mains dans les poches, et faire comme s’ils ne se connaissaient pas, marcher dans la même direction à distance et dès que la voie est libre, passer la main droite dans les cheveux.

Elle attend, un bus s’arrête à l’arrêt, sans voir descendre Stanislas. Il ne lui a pas donné d’heure pour rentrer. Le temps passe et la boule d’angoisse se fait de plus en plus violente dans son ventre. L’heure du couvre-feu ne va pas tarder, elle a froid, mais tremble de peur. Enfin un autre bus approche, elle baisse la tête, de peur qu’on ne voie qu’elle attende quelqu’un, les mains enfoncées dans ses poches. Elle fait celle qui cherche quelque chose à terre. Staczek a remarqué les mains et descend du véhicule sans la regarder, il s’accroupi pour relacer sa chaussure. Madeleine comprend qu’il lui donne de l’avance, alors elle prend la direction opposée à la maison, passe sa main dans ses cheveux et entre dans une porte cochère quelques mètre plus loin. Quelques minutes s’écoulent et il entre à son tour. Elle se jette dans ses bras, 

  • Les boches sont à la maison, murmure-t-elle.
  • Je sais comment aller, ne t’inquiète pas moj scarbie. Je vois toi chez Mich’ euh Marcel demain, trébuche-t-il sur le nouveau prénom de son ami, surtout, donne beaucoup baiser de son papa à moje kochanie[1] Nadja.

 Il l’embrasse, lui saisit le visage dans ces longues et larges mains râpeuses, la dévisage avec une grande douceur, l’embrasse encore, en silence et se sauve dans la nuit qui commence à tomber. Elle sort quelques minutes plus tard, émue par la tendresse de son homme, puis cours jusqu’à leur chambre. Elle entend sa fille hurler d’en bas, son cœur se sert de plus belle. « En tout cas elle est vivante et toujours là ! » pense-t-elle. Elle arrive enfin essoufflée, un allemand tient le bébé dans les bras, il essaye de la distraire mais l’enfant n’est pas coopérative, elle a faim et aucune berceuse, même en allemand, ne peut la calmer. Madeleine se précipite sur celui-ci, qui fronce les sourcils, et dit 

  • En voilà une mère qui laisse son enfant seul comme ça ! Où étiez-vous quand votre bébé pleurait ? 
  • Avec le froid qu’il fait dehors, une bonne mère ne sort pas son bébé ! Et si j’ai été longue c’est qu’il faut faire la queue pour obtenir un pauvre morceau de pain ! Répond-elle avec colère, leur montrant son filet encore à son poignet.
  • Rendez-moi mon bébé ! ajoute-t-elle en arrachant son enfant des bras maladroit de l’allemand qui tentait de bercer la petite, je ne pense pas que vous soyez qualifié pour la nourrir vous-même ! Elle replace le tabouret contre le mur et cherche à s’installer pour allaiter son bébé.

 

Ils ont retourné toute la chambre, le lit est défait et la vaisselle, les vêtements, même les carottes qui étaient conservées dans une boite pleine de sable aussi, tout est sans-dessus dessous.  Le berceau a également été fouillé, retourné. C’est alors qu’elle surprend le regard vicieux d’un des hommes, sur sa poitrine rebondie.  Furieuse elle se voile dans son écharpe de laine en leur tournant le dos. Ils l’interrogent néanmoins.

  • Où est votre mari Monsieur OBODA Stanilaw[2]?
  • Il est en Allemagne, je crois, il est prisonnier, improvise-t-elle.
  • Vous croyez ? Pourquoi croyez-vous ? Où ça en Allemagne ?
  • Je ne sais pas
  • Vous ne savez pas quoi madame ? S’il est prisonnier ? Ou bien où il se trouve ?
  • Je ne sais pas où il est. Elle à la tête penchée sur son bébé, elle sent le regard inquisiteur de l’homme qui l’interroge et ne veux pas lui montrer qu’elle improvise ses réponses.  Il faut qu’elle ait l’air sûre d’elle, mais à l’intérieur elle tremble de peur.
  • Vous savez, madame, nous sommes des gens organisés et civilisés, et même nos prisonniers ont le droit d’écrire à leur épouse ! dit l’officier avec un certain mépris condescendant.
  • Je ne sais pas où il est, répète Madeleine. Plus elle sera évasive pense-t-elle et plus elle laisse de temps à Staczek pour se cacher.
  • Je suis sûre que vous savez qu’il n’a jamais été prisonnier madame, nous tenons des listes exactes de nos prisonniers, et je n’ai pas de OBODA Stanislaw dans mes listes. J’ai vérifié. Un instant elle panique, et improvise :
  • Si vous voulez tout savoir, il m’a quitté, dit-elle en colère. 
  • Quel vilain homme ! Ce n’est pas correct de laisser sa femme et son enfant !
  • Je ne sais pas où il est répète-t-elle d’un ton lasse, laissant perler des larmes aux coins de ses yeux, la pression, la peur, elle ne sait, mais ça fait son effet, l’homme semble s’adoucir. Elle répète :  Il m’a quitté, vous croyez que ce n’est pas déjà assez dur pour moi ?
  • Très bien madame, de toute les façons, nous n’avons rien trouvé ici, donc nous allons nous retirer. Si vous avez des nouvelles de votre mari, je voudrais être informé. Pouvons-nous compter sur vous ? demande l’officier d’un ton métallique et froid.
  • Ça m’étonnerait que je le revoie un jour, prédit-elle, toute à son jeu de rôle, et même s’il revenait, vous croyez que je le reprendrai ? et d’abord qu’est-ce que vous lui voulez ?
  • Il vaudrait mieux pour vous que vous nous informiez de son retour s’il revient, conclu l’homme au regard de glace. Le reste ne vous regarde pas. Aurevoir madame. Et ils s’en vont, laissant derrière eux le chao dans la chambre et dans le cœur de Madeleine.

 

Ils ont eu chaud.

 

[1] Ma chérie

[2] Orthographe allemande de Stanislas

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12 avril 2024 5 12 /04 /avril /2024 08:40

(...) Malgré toutes ces préoccupations, chaque fois qu’il le peut, il rend visite à sa femme et sa fille, durant l’hospitalisation après l’accouchement. Ce sont, pour lui, des parenthèses de bonheur. La petite ne cesse de dormir à chacune de ses visites, si bien qu’il la surnomme « ma chérie petite dormeuse ». Elle a le sommeil aussi lourd que lui, malgré toutes les tentatives qu’il fait pour la réveiller, il l’embrasse, lui chatouille le nez, les oreilles, lui parle, l’appelle en polonais ou en français, le bébé reste les yeux clos, c’est à peine si elle retrousse les lèvres quand il tente de lui mettre le petit doigt dans la bouche, et ils en rient tous deux, de ce bonheur d’être ensemble, complice, amoureux. Mais ces moments sont trop courts, car la vie de Stanislas est une course permanente.

 

Il faut aussi courir pour obtenir les cartes d’alimentations. Staczek parle le français mais avec un fort accent polonais. Pour obtenir la carte d’alimentation de sa fille, on lui a donné, à la maternité, le certificat de naissance ainsi que le livret de famille dans lequel est inscrite sa fille, Nadjia. Avec cela il s’est rendu à la Mairie de Puteaux. L’employée derrière le guichet est une femme grisonnante, les cheveux relevés sur les côtés du visage avec deux énormes peignes noirs et or. Elle a des lunettes d’écailles sur son long nez, et regarde les gens par-dessus.

 

  • Bonjour Madame, je viens pour carte alimentation, dit-il poliment, à la maternité on me donne ça…et il dépose le certificat de naissance et le livret de mariage sur le comptoir de bois.

L’employée dévisage l’homme avec dédain et se saisi des documents de deux doigts, comme si elle craignait qu’ils ne soient sales. Elle lit attentivement, puis les redépose sur le comptoir, toussote pour éclaircir sa voix et dit haut perché :

  • Puis-je voir votre carte d’identité ?
  • Je pas de carte, je certificat de travail et permis de séjour correct, …
  • Avez-vous fait votre déclaration de juiverie ? demande-t-elle d’un air dégouté.

Il fronce les sourcils, quel absurdité de diviser les gens pense-t-il.

  • Non, je ne pas Juif, madame, je polonais c’est tout
  • Vous habitez Puteaux ?
  • Oui madame, au …
  • Je dois voir un certificat de domicile qui me le prouve, l’interrompt-elle.
  • Madame je désolé, je pas certificat comme ça, qui doit donner moi certificat ?
  • Eh bien, fait-elle d’un ton méprisant, si vous êtes locataire c’est votre logeur, ou votre concierge s’il a reçu l’autorisation préfectorale de le délivrer.
  • Bien je remercie vous, je demande à concierge, au revoir Madame.

Mais la dame ne répond pas elle marmonne dans sa barbe que ces étrangers exagèrent, ils ne savent rien et la dérange pour tout !

 

Il retourne à la maison, il s’adresse à un homme rougeau, qui visiblement s’installe dans l’office.

  • Bonjour, où je cherche Monsieur G. le concierge de ici ?
  • Ben c’est moi le nouveau concierge, qu’est-ce qu’il veut l’monsieur ? demande-t-il avec un fort accent chti.
  • Je dois faire carte alimentation pour ma fille, elle née avant hier, et bientôt arrive avec sa maman, la Mairie dit, il faut certificat domicile. J’ai besoin. L’homme lui souris, il semble sincèrement ravi.
  • Ah ! félicitation ! dit le bonhomme, ben c’est que mi euh j’peux pas vous faire ça, pour l’heure! je ai pas l’autorisation de délivrer ces papiers encore, c’est que maintenant faut se présenter à la préfecture pour tout ! même si on est des bons français, qu’on a fait la guerre, tout ça ! ben faut quand même prouver qu’on n’est pas des planqués ! c’est un monde tout de même ! s’emporte-t-il tout seul. Et il cherche l’approbation de Stanislas.

Stan n’approuve pas, ne nie pas non plus, il reste calme, et demande :

  • Et alors qui peut ? parce que je veux carte pour elles ! et pour carte il faut certificat !
  • J’comprends votre problème, mi ! hein ! mais je peux pas vous délivrer ce foutu certificat ! Faudrait voir avec M’sieur G. l’ancien concierge. Il a changé d’crèmerie ! mais y r’passe a d’main, je vais lui en causer, mais faudra repasser d’main alors hein ?
  • Je comprends un peu. Merci. Je suis demain ici, pour voir Monsieur G. et il donnera le certificat. C’est le matin, où l’après-midi que je dois venir ?
  • Bah…ça devrait plutôt être l’après-midi…je pense hein…vous habitez là depuis longtemps ? c’est qu’mi j’connais pas tous les locataires encore, …il dévisage Stanislas, avec insistance.

 

L’homme est serviable, gentils, mais un peu trop bavard et curieux. Tout en restant correcte et poli, Stanislas lui donne le minimum d’information, restant vague sur son métier, ses origines… (...)

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8 avril 2024 1 08 /04 /avril /2024 15:10

 

C'est un roman qui a commencé comme une page d'écriture, avec l'envie d'écrire sur un monde fantastique tout en restant dans le réel, une histoire pleine de rebondissements qui m'ont plutôt guidés, je me suis laissée emportée par mes personnages, leur histoires, leurs drames, et j'ai laisser l'histoire m'entrainer à leur suite. 

voici la présentation et le lien vers le téléchargement, si cela vous donne envie de lire. n'hésitez pas à me donner un avis, ici ou sur le site kobo, ou fnac. merci d'avance

je vous demande un peu d'indulgence quant aux fautes de frappe et d'orthographes qui m'ont échappées. 

Une jeune femme Marie, rencontre un jeune homme Stanley, lors d'un weekend de ski. Elle est lycéenne et lui étudiant. Ils se plaisent, mais, par malchance, se perdent de vue durant quelques années. Quand ils se retrouvent, c'est une évidence, ils s'aiment. Un jour, pourtant, Stanley disparait, inexplicablement, laissant Marie seule et désemparée avec un jeune chiot. La meilleure amie de Marie, Maryse, d’une nature très intuitive, apprendra qu'il existe, depuis la nuit des temps, des entités mystérieuses, qui œuvrent à l'amélioration des espèces animales, et que Stanley, d'une manière ou d'une autre, est mêlé à tout cela. Il faudra beaucoup de courage à Marie pour surmonter son chagrin et avancer dans la vie, jusqu'à, par hasard, recroiser la route de Stanley, 30 ans plus tard. Mais est-ce vraiment Stanley ?

 

https://www.kobo.com/fr/fr/ebook/stanley-et-moi#ratings-and-reviews

bonne lecture !

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12 septembre 2012 3 12 /09 /septembre /2012 09:00

il s'agit d'un passage où Stanislas essaye de remplir toutes les formalité administratives pour accueillir sa femme et son bébé dans les meilleurs condition à leur sortie de la maternité. 

 

"

 Il faut courir aussi pour obtenir les cartes d’alimentations, et ses tracasseries administratives. Stasiek parle le français mais avec un fort accent polonais. Pour obtenir la carte d’alimentation de sa fille, on lui a donné, à la maternité, le certificat de naissance ainsi que le livret de mariage dans lequel est inscrite sa fille, Nadjia.

 

Avec cela il s’est rendu à ma Mairie de Puteaux. L’employé derrière le guichet est une femme grisonnante, les cheveux relevés sur les côtés du visage avec deux énormes peignes noirs et or. Elle a des lunettes d’écailles sur son long nez, et regarde les gens par-dessus. 

 

- bonjour Madame, je viens pour carte alimentation, dit-il poliment,  à la maternité on me donne ça…et il dépose le certificat de naissance et le livret de mariage sur le comptoir de bois.

 

L’employée dévisage l’homme avec dédain et se saisi des documents de deux doigts, comme si elle avait peur qu’ils ne soient sales. Elle lit attentivement, puis les redépose sur le comptoir, toussote pour éclaircir sa voix et dit haut perché :

 

- puis-je voir votre carte d’identité ?

 

- je pas de carte, je certificat de travail et permis de séjour correct,…

 

- avez-vous fait votre déclaration de juiverie ? demande-t-elle d’un air dégoutée.

 

- Non, je ne pas Juif, madame, je polonais.

 

- vous habitez Puteaux ?

 

- oui madame, au … 

 

- je dois voir un certificat de domicile  qui me le prouve, l’interrompt-elle.

 

- madame je désolé, je pas certificat comme ça, qui doit donner moi  certificat ?

 

- et bien, fait-elle d’un ton méprisant, si vous êtes locataire c’est votre logeur, ou votre concierge s’il a reçu l’autorisation préfectorale de le délivrer.

 

- Bien je remercie vous, je demande à  concierge, au revoir Madame.

 

Mais la dame ne répond pas elle marmonne dans sa barbe que ces étrangers exagèrent, ils ne savent rien et la dérange pour  tout !

 

 

Il retourne à la maison, il s’adresse à un homme rougeau, qui visiblement s’installe dans l’office.

 

- bonjour, où je cherche Monsieur G. le concierge de ici ?

 

- Ben c’est moi le nouveau concierge, qu’est-ce qu’il veut l’ monsieur ? demande-t-il avec un fort accent chti.

 

- Je dois faire carte alimentation pour ma fille, elle  née avant hier, et bientôt arrive avec sa maman, la Mairie dit, il faut  certificat domicile. J’ai besoin.

 

- Ah ! félicitation ! dit le bonhomme, ben c’est que mi euh j’ peux pas vous faire ça, pour l’heure! j’ai pas  l’autorisation de délivrer ces papiers encore, c’est que maintenant faut se présenter à la préfecture pour tout ! même si on est des bons français, qu’on a fait la guerre, tout ça ! ben faut quand même prouver qu’on n’est pas des planqués ! c’est un monde tout de même ! s’emporte –t-il tout seul.

 

Stan n’approuve pas, ne nie pas non plus, il reste calme, et demande :

 

- Et alors qui peut ? parce que je veux carte pour elles ! et pour carte il faut certificat !

 

- J’comprends votre problème, mi ! hein ! mais je peux pas vous délivrer ce foutu certificat ! Faudrait voir avec M’sieu G. l’ancien concierge. Il a changé d’ crèmerie ! mais y r’passe ad’main, je vais lui en causer, mais faudra repasser d’main alors hein ?

 

- Je comprends un peu. Merci. Je suis demain ici, pour voir Monsieur G. et il donnera le certificat. C’est le matin, où l’après-midi  que je dois venir?

 

- Bah…ça devrait plutôt être l’après-midi…je pense hein…vous habitez là depuis longtemps ? c’est qu’mi  j’ connais pas tous les locataires encore, …

 

 

L’homme est serviable, gentils, mais un peu trop bavard et curieux. Tout en restant correcte et poli, Stanislas lui donne le minimum d’information, restant vague sur son métier, ses origines…

 

 

Après toutes ces tracasseries, il est finalement  embauché au bureau de recrutement pour l’entreprise Allemande qu’on lui avait indiqué à la réunion. Il s’agit d’être charpentier pour construire une voix de chemin de fer sur un chantier qui semble destiné à être un terrain d’aviation. Les recruteurs ont promis le logis et le couvert sur place, car c’est un chantier qui se situe dans la Somme près de Doullens. Malheureusement il doit s’y rendre avant le retour de Madeleine et Nadia à la maison. Il n’a pas le choix. 

 

 

C’est avec une grande tristesse qu’il quitte Paris pour Doullens. Sa mission doit rester secrète. Même Madeleine ne sais rien de ce qui motive Stanislas à quitter Paris, sinon pour un travail. Les consignes sont triples. Il faut retarder l’avancement des travaux, par tous les moyens. Repérer des hommes qui partagent la même idée de liberté, et consigner les renseignements qui pourraient être utiles.

 

 

 

Sur place, la réalité n’a rien à voir avec les conditions de travail et d’hébergements promises à Paris. Le patron, un allemand, qui n’est pas un militaire, certes, est tout de même un cynique personnage, opportuniste. Il profite de sa position d’occupant à moindre coût. En rognant sur  le gîte et le couvert pourtant promis. Du coup, les ouvriers vivent un enfer. Non seulement ils sont logés dans des baraques sans lumière ni chauffage, ni eau,  mais en plus, nourrit si chichement qu’ils ne tiennent que difficilement le rythme de travail qui reste pénible dans le froid. Et pour compliquer le tout, il n’y a aucune poste à des kilomètres à la ronde. C’est pourtant le seul moyen d’envoyer et de recevoir les lettres de Madeleine, surtout d’envoyer les cartes d’alimentations. Pour cela, il faut  faire 5km à pied jusqu’à un café-épicerie. Là le patron consent à jouer les postes restantes pour lui et d’autres ouvriers, et à donner le courrier en partance au facteur qui passe chaque matin. Ce cafetier, Czeslaw qu’on appelle plus simplement César, est un polonais. Un ancien mineur. Il a bien vite sympathisé avec Stanislas, parlant du pays, du travail au fond dans les même puits des houillères du Nord que ceux fréquentés quelques années plus tôt par Stasiek, de l’occupation allemande et  des restrictions, et autres tracasseries… 

 

Madeleine reçoit quelques jours plus tard cette lettre :

 

Moj sharbie  bien aime 

 

 

Je suis beaucoup triste et malheureux, car depuis jeudi je suis ici et je n’ai pas puis t’écrire.

 

Ici ont est pas beaucoup mieux que dans les maisons rue de Gurs.

 

A Paris ils ont nous promis beaucoup de choses, mais quand nous étions arrive ici ce n’est pas le même chose, ont doit payer nos pension 100 francs par semaine, il y a pas beaucoup à manger 250gr. De pain par jour a midi un litre de soupe et le soir aussi. Nous dormons dans les petites baraques qu’ils fait très sales, pas d’éclérager il  dois y avoir des poux et d’autres bette, car il n’y a pas de l’eau pour se lavé depuis que je suis partir de Paris je me suis pas encore lavé, je suis très sale.

 

Nous sommes 36 dans une petite barraque, beaucoup de Belges. Le travail n’est pas dure mais logement très mauvais.

 

Je regrète beaucoup de quite Paris. Nous habittons 13 kilomètre de la ville Dulens, il n’y a pas ni poste pour envoyer les lettres ni rien pour acheter, il y a un seul boulanger a trois kilometre qu’on peux acheter nos pain

 

Donc je vais t’envoyer ma carte d’alimentation peut être dimanche prochain dans une lettre recommande. je vais garde seulement ticket du pain. 

 

Les permissions pour partir à Paris ne sont pas tout les mois comme ils ont dit, mais tout les trois mois. Je ferais tout mon possible de retourne à la maison pour le Noël. Aujourd’hui dimanche, nous avons travaille jusque midi, alors je me dépèche de t’écrire, car je dois courir 5 kilomètre dans un village pour donnée cette lettre dans une café et la le facteur  passe une fois par jour, donc je vais demande si tu peux écrire sur cette adresse, ainsi on peut faire nos correspondances.

 

Je suis très triste sans nouvelles de toi et notre chérie Nadja, je regrete beaucoup de quitte la maison je t’assure, que ça n’arrivera plus jamais. Moj skarbié chérie, je suis beaucoup triste, et j’ai du chagrin, maintenant je t’aime beaucoup plus que avant, chaque nuit je rêve de toi et notre skarb Nadja. Je t’embrasse avec Nadja beaucoup de fois

 

Ton pauvre Stasiek

 

Adresse d’ici je vais te mettre sur l’enveloppe si je trouve""

voilà pour aujourd'hui... 

quelques précisions: tout d'abord, la lettre est authentique, avec ses fautes de français. 

et une traduction: moj skarbie= mon trésor

 

 

 

 

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11 septembre 2012 2 11 /09 /septembre /2012 15:45

bonjour à ceux qui viennent me lire...ils sont peu nombreux, mais qu'importe.

j'ai pris de bonnes résolutions cet été, je me remet à écrire mon roman.

j'y passerai peut être 1000 ans, si je tiens jusque là , mais je m'y remet.

j'ai repris ma clé usb, sur laquelle sont toutes mes approches, mes plans et mes suggestions, et j'ai tenté de reprendre , de corriger ce qui avait déjà été écrit...voilà un petit extrait... c'est une scène qui a vraiment existée...

pour  situer la scène: cela se passe fin1941,Stanislas (=Stasiek) a des activités clandestines dans la Résistance, Madeleine, son épouse, a accouchée d'une petite fille Nadja début novembre 41.


 

"Madeleine s’active dans leur petite chambre, pour que tout soit propre et joli afin d’accueillir son homme. Nadja s’est endormie dans son berceau, quand Madeleine se rend compte qu’elle n’a plus de pain. Hésitante, elle se dit que le bébé dort, et qu’elle n’en a que pour quelques minutes, le temps de descendre, de courir à l’épicerie, et de revenir, la petite ne se rendra pas compte de son absence. Elle couvre Nadia  d’un lainage supplémentaire, l’embrasse sur le front, et sort sans bruit. Laissant la clef sur la porte, afin que les voisins interviennent si la petite pleurait trop fort.
Elle dévale les escaliers, et court dans la rue jusqu’à la boulangerie. Elle a oublié qu’il pourrait y avoir la queue, comme de plus en plus souvent. Dans la file, les gens discutent entre eux, échangeant sur le prix de toute chose, les tickets d’alimentation, la faim, les maladies, les enfants, la guerre, les attentats… Madeleine ne s’en mêle pas, elle est préoccupée, «  si ma douce Nadiejda se réveille et qu’elle pleure, pourvu que la queue aille vite…».
Enfin s’est son tour de prendre une part de pain noir contre ses bons de rationnement.  Elle se presse pour remonter la rue d’un pas rapide, quand elle croise un voisin : « ah vous êtes là! S’écrit-il,  Ya les boches chez vous !» Stupéfaite, elle en laisse tomber son filet avec son pain. L’homme le ramasse et lui tend « ça va aller  ma p’tite dame ? »  Madeleine pense à tout allure, son bébé qui doit avoir été réveillé par ces brutes, et Stasiek qui va arriver par le bus … que faire ?
Elle demande au voisin s’il veut bien attendre son mari à la station de bus pour le prévenir de ne pas monter, mais l’homme refuse, « je ne veux pas avoir d’ennuis moi ! Je ne sais pas ce que vous avez à vous reprocher tous les deux, et je ne veux pas le savoir ! ça me regarde pas ! C’est déjà bien que je vous prévienne.» Et il s’en va.
Madeleine a le ventre qui se tord d’angoisse. Elle se dit qu’ « ils » ne feront rien à un bébé, du moins l’espère t’elle, qu’il n’y a rien à trouver chez elle, mais que Stasiek ne doit surtout pas rentrer à la maison. C’est sûrement lui qu’ « ils » sont venus chercher. Elle se résout donc à l’attendre, les mains dans les poches de sa veste. Ils ont convenus de cela ensemble, si jamais il y avait une alerte, mettre les mains dans les poches, et faire comme s’ils ne se connaissaient pas, marcher dans la même direction à distance et dès que la voie est libre, passer la main droite dans les cheveux.
Elle attend, plusieurs bus s’arrêtent à l’arrêt, sans jamais voir descendre Stanislas Il ne lui a pas donné d’heure pour rentrer. Le temps passe et la boule d’angoisse se fait de plus en plus violente dans son ventre. L’heure du couvre-feu ne va pas tarder, elle a froid, mais tremble de peur. Enfin un bus approche, elle baisse la tête, de peur qu’on ne voie qu’elle attende quelqu’un, les mains enfoncées dans ses  poches. Elle fait celle qui cherche quelque chose à terre. Stasiek a remarqué les mains et descend du véhicule sans la  regarder, il s’accroupi pour relacer sa chaussure. Madeleine comprend qu’il lui donne de l’avance, alors elle prend la direction opposée à la maison, passe sa main dans ses cheveux et entre dans une porte cochère quelques mètre plus loin. Quelques minutes s’écoulent et il entre à son tour.
Elle se jette dans ses bras, « les boches sont à la maison » murmurent-elle. « Je sais comment aller, ne t’inquiète pas moj scarbie. Je vois toi chez Marcel demain, surtout, donne beaucoup baiser de son papa à Nadja ma petite dormeuse» il l’embrasse, lui saisit le visage dans ces longues et larges mains râpeuses, la dévisage avec une grande douceur, l’embrasse encore, en silence  et se sauve dans la nuit qui commence à tomber. Elle sort quelques minutes plus tard, émue par la tendresse de son homme, puis cours jusqu’à leur chambre.
Elle entend sa fille hurler d’en bas, son cœur se sert de plus belle. « en tout cas elle est vivante et toujours là ! » pense-t-elle. Elle arrive enfin essoufflée, un allemand tiens le bébé dans les bras, il essaye de la distraire mais l’enfant n’est pas coopérative, elle a faim et aucune berceuse, même en allemand, ne peut la calmer. Madeleine se précipite sur celui-ci, qui fronce les sourcils, et dit 
- « en voilà une mère qui laisse son enfant comme ça ! Où  étiez-vous quand votre bébé pleurait ? » , 
- avec le froid qu’il fait dehors, une bonne mère ne sort pas son bébé ! Et si j’ai été longue c’est qu’il faut faire la queue pour obtenir un pauvre morceau de pain ! Répond-elle avec colère, leur montrant son filet encore à son poignet.
-rendez-moi mon bébé ! ajoute-t-elle en arrachant son enfant des bras maladroit de l’allemand qui tentait de bercer la petite, je ne pense pas que vous soyez qualifié pour la nourrir vous-même ! Elle replace le tabouret contre le mur et cherche à s’installer pour allaiter son bébé.
Ils ont retourné toute la chambre, le lit est défait et la vaisselle, les vêtements, même les carottes qui étaient conservées dans une boite pleine de sable aussi,  tout est sans-dessus dessous.  Le berceau a également été fouillé, retourné. C’est alors qu’elle surprend le regard vicieux d’un des hommes, sur sa poitrine rebondie.  Furieuse elle se voile dans son écharpe de laine en leur tournant le dos. Ils l’interrogent néanmoins.
- où est votre mari Monsieur OBODA Stanilaw ?
- il est en Allemagne, je crois, il est prisonnier, improvise-t-elle.
- vous croyez ? Pourquoi croyez-vous? Où ça en Allemagne?
- je ne sais pas
- vous ne savez pas quoi madame ? S’il est prisonnier ? Ou bien où il se trouve ?
- je ne sais pas où il est.
-  vous savez, madame, nous sommes des gens civilisé, et même nos prisonniers ont le droit d’écrire à leur épouse ! dit l’officier avec un certain mépris condescendant.
- je ne sais pas où il est, répète Madeleine. Plus elle sera évasive pense-t-elle et plus elle laisse de temps à Stasiek pour se cacher.
- je suis sûre que vous savez qu’il n’a jamais été prisonnier madame, nous tenons des listes exactes de nos prisonniers, et je n’ai pas de OBODA Stanislaw dans mes listes. J’ai vérifié.
- si vous voulez tout savoir, il m’a quitté, dit-elle en colère.  
- quel vilain homme ! Ce n’est pas correct de laisser sa femme et son enfant !
- je ne sais pas où il est répète-t-elle d’un ton lasse, laissant perler des larmes aux coins de ses yeux. Il m’a quitté, vous croyez que c’est pas déjà assez dur pour moi ?
- très bien madame, de toute les façons, nous n’avons rien trouvé ici, donc nous allons nous retirer. Si vous avez des nouvelles de votre mari fuyant, je voudrais être informé. Pouvons-nous compter sur vous ? demande l’officier d’un ton métallique et froid. 
- ça m’étonnerai que je le revois un jour prédit-elle, toute à son jeu de rôle, et même si il revenait, vous croyez que je le reprendrai ?
- il vaudrait mieux pour vous que vous nous informiez de son retour si il revient conclu l’homme au regard de glace. Au-revoir madame. Et ils s’en vont, laissant derrière eux le chao dans la chambre et dans le cœur de Madeleine.
Ils ont eu chaud."

 

 

 

voilà...

qu'en pensez-vous?

laissez moi vos com...même si c'est pour corriger les fautes d'orthographe!

merci d'avance.

 

 

 

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15 octobre 2011 6 15 /10 /octobre /2011 08:58

avertissement au lecteur:

Maroussia est la naratrice du roman, évidemment, elle me ressemble un peu...

Mamio, est la grand-mère de Maroussia, et aussi, bien sûre, la mienne! celle dont je parle beaucoup ici!

 

souvenirs d'enfance de Maroussia et Madeleine 

7427 101166599903931 100000317755469 31446 720325 sJe dois avoir 8 ou 10 ans peut-être. Je suis seule, chez Mamio.  J’adore avoir Mamio pour moi toute seule.  Je suis pour le moment, sa seule petite-fille, et mon frère son seul petit-fils. Dans mon souvenir, il n’est pas là.  Je profite donc de ma grand-mère adorée, sans concurrence. Et elle me chouchoute. C’est délicieusement bon.

Nous sortons beaucoup, elle m’emmène partout. Au théâtre, à l’opéra Garnier voir un spectacle de danse classique ! Des expos de peinture aussi, le Louvre, que nous ne visitons que partiellement, car elle choisit les salles où elle veut me montrer des œuvres, et elle m’explique l’histoire du peintre, de l’œuvre, sa technique… ses connaissances sont telle et ses explications si passionnantes, que je repère des gens, qui petit à petits tendent l’oreille et nous suivent devant les tableaux qu’elle a choisi.  Je suis aux anges. Si fière d’avoir Mamio comme grand-mère.

Nous parlons beaucoup toutes les deux, et c’est extraordinaire d’avoir une grand-mère qui s’intéresse comme cela à mes soucis d’enfants. Elle me raconte ses souvenirs d’enfant avec son grand frère, ses tentatives pour attirer l’attention de son père, pathétiquement absorbé par son travail, et si distrait dans la vie quotidienne. Et les disputes de ses parents. Bref, nous échangeons, et je me sens comprise, à l’égal d’elle. Il y a peu de grandes personnes comme elle dans mon entourage. Alors j’adore venir la voir. Nous habitons loin, ces visites sont rares. Alors je les vie à 200%.

Un jour, nous allons au marché. Elle habite Drancy. Dans un immeuble HLM, depuis les années 50, en face du parc.  Le centre-ville n’est pas encore détruit, il y a encore un square, une place de la mairie ombragée l’été, des ruelles pleines de petits commerces dont l’épicerie du Père Noël… en fait l’épicier est un grand monsieur avec une longue barbe blanche. Bien sûre, je ne crois plus à ces choses-là, mais comme nous passions régulièrement devant sa boutique, pour aller à l’école maternelle, quand nous habitions à Drancy, mon frère et moi étions persuadé que c’était lui, le père Noël.  Drancy est encore un village.

Madeleine connait tout le monde. Enfin plutôt, tout le monde la connait dans Drancy. Ça me ravit aussi beaucoup. Mais ce qui est étonnant, c’est que certain l’appelle Mado (diminutif qu’elle déteste d’ailleurs) et d’autre Catherine.

Après une rencontre dans la rue avec deux personnes qui l’on appelé l’un Mado et l’autre Catherine, je demande à Mamio :

Pourquoi il t’a appelé Catherine le Monsieur ?

C’était mon nom de guerre, ma chérie.

C’est quoi un nom de guerre ?

C’est un surnom qu’on te donne, pendant la guerre, pour que personne ne sache qui tu es en vrai. C’est un nom qui te protège.

Moi c’est mon deuxième prénom ! dis-je fièrement

Je sais ma chérie, c’est un beau prénom, c’est celui de la liberté, de la solidarité, de la fraternité pour moi.

Alors on est jumelle ? elle éclate de rire.

Nous aurons bien d’autres occasions de parler de ce prénom, dont je sens qu’il prend un sens particulier pour elle, un jour, elle me dira qu’il vaut toutes les médailles de la terre. Parce qu’il a pris le goût acide du sang, du sacrifice, mais aussi celui du frisson du risque, celui surtout  des liens fraternels entre les combattants,  elle y met tout ça. Et ça m’impressionne. Il faut donc être à la hauteur pour porter ce prénom. Elle me raconte, parfois, des actions qu’elle a commises avec ses compagnons d’armes. Je la soupçonne maintenant, de les avoir élagué des risques et des dangers, pour ne pas m’effrayer. Je la vois comme une héroïne, avec mes yeux d’enfant. Je l’imagine, les armes à la main, faire dérailler des trains à elle toute seule.

Je ne saurais que bien plus tard, qu’avant Catherine, il y a eu Marie.  Celui-ci est peut-être bien plus douloureux pour elle,  et que mon prénom Maroussia en est le diminutif… C’est celui d’avant l’Affiche Rouge, celui de son entrée dans les FTP MOI. Elle a raconté  comment il avait été pris. On l’a présenté à BOSCOV, un roumain qui dirigeait les brigades spéciales chargé des déraillements. Il lui a dit de trouver un pseudonyme. Elle voulait un prénom qui lui rappelle son mari chéri, fusillé, alors elle dit :

 « Stanistsa »,  Boscov a éclaté de rire

Tu ne peux pas t’appeler comme ça

Pourquoi ?

Parce que ça veut dire « gare » en russe,

Bon, alors …  je peux m’appeler « Marie » ?

D’accord pour Marie.

 

 

 

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31 mars 2011 4 31 /03 /mars /2011 15:13

numerisation0009-copie-1.jpgj'ai écrit très récemment au centre culturel de Carmaux, près d'Albi, dans le sud ouest, là où débuta les carrières de mineurs de mon grand père Stanislas et de son frère Thadeuz. 


en quelque sorte, je jetais une bouteille à la mer, afin de recueillir quelques éléments sur eux, interroger les archivistes afin de grappiller, de creuser les maigres éléments dont je disposais: la fiche d'activité de mon grand père daté d'août 22 à sept 26. 

et le miracle s'accompli! 

j'ai reçut ce matin un ensemble de documents ainsi qu'une adresse où demander d'autres documents les concernant.


dans les documents il y a notamment la copie d'un registre qui recense les mineurs. la lettre d'accompagnement donne quelques explications.numérisation0013

il s'agit du recensement d'un convoi ferroviaire, arrivé à Carmaux le 10 août 1922, on voit figurer au n° 666 , matricule 1226; OBODA thadeuz, né le 18 juillet 1909 , "Pel du 19-8-22 au 5-5-24", la ligne en dessous n° 667 matricule 1254 ; OBODA Stanislas né le 23 avril 1908 "Pel du 19-8-22 au 12-1-24" puis plus loin 10-9-26.

le concervateur interprète "Pel" comme étant probablement le service de criblages au lavoir de Pelissier, un service "jour" à Albi, c'est à dire à la surface! Ils ont respectivement 14 et 13 ans quand ils commencent à travailler là.

numérisation0010

puis ils travaillerons "au fond" Stanislas à partir de janvier 24, il a 15 ans et demi, et Thadeuz à partir de mai 24, il a 14 ans et demi. au puit n°3 de Cagnac-les-mines

 je me demande comment on peut s'habituer à ces âges si jeunes à travailler au fond! sur une des photos de la descente au puits onnumérisation0012 voit un tout jeune homme parmis d'autre plus âgés, accroupis, avec une casquette claire sur la tête. je les imagine tous les deux, si jeune aussi, descendre ainsi, chaque matin, ils connaissent peut être ce jeune homme, car la carte est dâtée de 1925...

Stanislas quitera Carmaux en septembre 26 à l'âge de 18 ans et demi, pour aller dans d'autres mines, les houillère de la Loire aux puits Saint Louis et à Villiers, jusqu'en octobre 27.

Thadeuz, quant à lui, restera à Carmaux jusqu'au 30 juillet 30, c'est à dire jusqu'à sa majorité (21 ans) pour le moment je ne sais pas s'il parti directement à Meyreuil dans la cité minière du même nom, à quelques kilomètres de Gardanne, où il passa le restant de sa vie, ou s'il fit comme son frère, des mines itinérantes avant d'échouer à Meyreuil?


le conservateur précise qu' ils ont sans doute logés à la cité ouvrière "les Homps" de la commune de Cagnac.

les images sont toutes tirées du livre de Jean-François Kowalik: Les mineurs de fond au XXe siècle dans les houillères du bassin de Carmaux-Albi (Tarn)numérisation0008

la carte aussi.

j'ai une adresse pour en savoir plus...comme je le disais récemment, plus on creuse une mine d'infos et plus le filon s'élargie...

 ;-)

les mineurs comprendrons...





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30 mars 2011 3 30 /03 /mars /2011 15:53

Départ de Kazimierz

 

Il est là, dans l’entrebâillement de la porte de la chambre, retenu entre deux mondes : l’un de souffrances, de faim, de froids, de morts, de guerres, d’épuisements vains.  L’autre porteur d’espoir, de liberté, de fortune, de travail, de voyages, d’aventures… mais l’un d’amour, de sa  famille, du sourire tendre d’Ewa, du babillage de Stanislas, de ses éclats de rires, de ses premiers pas, et de l’autre , d’incertitudes, d’inconnus, d’étrangetés, de langues inconnues, incompréhensibles.

Comment choisir, pourquoi choisir ?

 

Soudain,  Wladyslaw  l’appelle encore une fois, le presse.  Il sort de sa torpeur hésitante. Il faut partir, la charrette  attend, le voyage est encore long avant le bateau en Allemagne, puis l’Amérique.

 

Kazimierz se recoiffe de sa casquette, rajuste sa veste rapiécée de multiples fois, et sort, plus brusquement qu’il ne l’aurait souhaité, laissant claquer la porte derrière lui, comme un coup de tonner marquant la fin d’une vie et le début d’une autre, avec un goût amer dans la bouche. Sera-t-il à la hauteur ?

 

Il se sent si triste de laisser sa douce Ewa, et son petit garçon si vigoureux, pétillant de vie. Ainsi que  ce bébé qu’il ne verra pas naitre. Il aimerait une fille qui ressemble à sa mère, blonde, les yeux bleus en amandes, les pommettes hautes…ou peut être un garçon, fort, robuste, comme son grand frère Stasiek…Le ventre rebondie d’Ewa reste imprimé dans ses pensées. Même dans cette robes aux couleurs défraichies, elle reste belle, grande, altière, courageuse.

Il a confié sa petite famille à sa sœur Cecilia.  Bien que veuve, cette dernière est une maitresse femme dans la ferme de ses beaux parents âgés à Brwinow qu’elle dirige avec autorité et bon sens. Modeste ferme, mais qui les nourrit.  Kazimierz a toujours été le petit frère préféré de Cécilia, elle est comme sa seconde maman, et il peut tout lui demander. Elle a installé Ewa et son fils dans une chambre donnant sur la cours.   Il faudra aider à la ferme, c’est entendu,  mais elle prendra  ses repas avec la famille, et les petits seront gardés par la grand-mère pendant la journée de travail, rien de plus normal au fond. Ewa n’a plus de famille à Blonié où ils vivaient auparavant, alors il pense que sa sœur et ses beaux parents veilleront sur elle et ses enfants.

 

Il est balloté par les secousses du train qu’ils ont pris après une longue journée de charrette ; il repense à sa dernière nuit auprès d’Ewa. Sagement, sans larmes, elle lui a dit, lovée dans ses bras :

- Kajiu, je me doute que l’Amérique est un grand pays, plein de richesses, quand tu seras là bas, je t’en pris, ne nous oublie pas. 

 Il a voulu s’offusquer, protester, elle a posé sa main sur sa bouche et a ajouté :

- tu es jeune Kajiu, tu es beau, et tu es un homme, tu auras besoin sans doute d’avoir une femme auprès de toi, pour s’occuper de toi, je ne t’en veux pas pour ça, je voudrais juste que tu te souviennes de nous, Stasiek, le bébé et moi. Car nous aurons besoin de toi nous aussi. 

 Il n’a rien dit, et caché ses larmes dans les cheveux d’Ewa, s’imprégnant de son odeur de femme. Elle l’a pris dans ses bras, et consolé comme un enfant, caressant ses cheveux blond et fins,  le berçant contre elle, tandis que le bébé, entre eux donnait des petits coups de pieds. Puis ils se sont endormis, une dernière fois, avant d’être réveillé par les coups à la porte de Woïdek, son grand frère. 

 

Wladyslaw, est déjà allé là bas, en Amérique. Il y a déjà 7 ans, il venait à peine de se marier avec Elena. Elle n’est jamais venue le rejoindre. Pourquoi ? C’est un mystère, que son grand frère ne semble pas près de lui révéler. Pourtant Wladek a envoyé de l’argent, mais il semblerait que sa femme en ai fait un autre usage, et qu’elle ne l’ait pas attendu. En tout cas, c’est ce qui se murmure dans la famille. Kazimierz ne connait pas cette femme, il n’a jamais été invité chez son frère et sa belle-sœur.

 Les deux frères  se connaissent peu au fond. Wladek est l’ainé. Comme beaucoup d’autres, la famille à été décimée des années au paravent par les maladies, les guerres et la misère, alors Wladyslaw a pris les devant en fuyant tout ça pour démarrer une nouvelle vie en Amérique. Et visiblement, ça lui a réussit.

Kazimierz était le plus jeune des enfants encore vivant, après lui d’autres sont nés mais n’ont pas survécue au-delà de la première année. Leur mère, qui avait pourtant survécue à bien d’autres coups du sort, s’étaient éteinte dans son sommeil après un dernier accouchement difficile, alors qu’il n’avait que 9 ans. Le père se laissant aller au chagrin dans la vodka, Cécilia sa sœur ainée, déjà mariée à l’époque l’avait recueilli et élevé, comme un fils qu’elle n’avait pas. Devenue veuve trop jeune, elle ne s’était pas remariée pour continuer à prendre en charge ses beaux parents âgés, et faire tourner la ferme. Kazimierz l’aidait beaucoup.

  Quand il s’était marié à son tour elle n’avait pas vu d’un très bon œil le départ de son frère pour Blonié à quelques kilomètres de Brwinow, mais Kazimierz tenait à ce qu’Ewa puisse rester auprès de sa vieille mère malade. Et il avait trouvé une place d’ouvrier agricole dans une ferme à coté. Peu de temps après la belle-mère avait rendue l’âme, mais ils étaient restés sur place, le logement n’était pas inconfortable, et il y avait du travail. Leur premier enfant était né là bas, le petit Stanislaw. Il y a tout juste un an.

Pourtant,  aujourd’hui il est en route pour une autre contrée, un pays immense, dont il ne connait rien, censé lui apporter le bonheur et la fortune…

 

Le bateau : « le Bremen »,  est pris dans une tempête terrible, les passagers de 3em classe, sont ballotés sur le pont inferieur, trempés dans des couvertures humides, grelottants, quelques uns sont morts, une femme tiens son bébé dans des linges, elle ne parvient plus à lâcher cet enfants sans vie. Le prêtre a dit des prières funèbres, tenté de le lui prendre  mais elle à tellement hurlé qu’il c’est résolu à lui laisser son enfants quelques heures de plus.

Kaziu est malade. Il n’a plus rien avalé depuis 3 jours, Wladek n’en mène pas plus large, mais il n’en laisse rien paraitre. Ils se sont peu parlé depuis le départ de Bremehaven. Seulement quelques bribes utiles. Ils se rendent chez Josef Grzybowski, le mari de la sœur de sa femme, à Brooklyn. Ensuite ils iront chercher du travail. Kazimierz suppose qu’il ne devra compter que sur lui-même, Wladislaw n’ayant pas envisagé de l’inclure dans ses projets. Il découvre ce frère taciturne, peu loquace et renfermé.

 

L’approche de  Ney York réveille l’ensemble du bateau. Tout le monde danse, crie, les enfants courent, les adultes s’embrassent, on voit petit à petit la statue de la liberté monumentale se détacher de la ville que l’on devine derrière, c’est comme un passeport  pour la  liberté, une invitation à un nouveau départ.  Les gens rassemblent leurs affaires, cherchent leurs proches, s’excitent.

 

Pourtant les minutes s’égrènent, de plus en plus lentement. On croirait que le bateau ralenti,  qu’il n’accostera jamais. C’est l’enfer, les enfants pleurent,  les gens crient, s’énervent, se disputent une couverture, un coin de bastingage, le bruit des moteurs semble plus fort, plus agaçant, les cris les pleurs, tout deviens assourdissant, fatiguant, énervant.

 

A l’accostage, la tension remonte encore d’un cran. On fait descendre les premières classes, ces gens distingués, riches et fort beaux qui semblent prendre tout leur temps, puis la deuxième classe, des gens encore bien beaux mais plus pressés. Enfin c’est leur tour. Là, la misère se fait sentir, pas de beaux bagages, ni de belle tenues, mais des ballots de linges, des frusques sans âges rapiécées de toute part, des airs hagards, fatigués, et des odeurs de sueurs et de peurs mêlées.

Tous sont dirigés vers un immense hangar de briques et de vitres. Des bancs déjà encombrés d’immigrés, attendent là. Il va falloir passer l’épreuve de sélection. On est parfois refoulés, même après un si long périple, les cris, les pleures n’y font rien, l’Amérique est intraitable si vous ne l’a méritez pas.

 

Wlady à préparé son frère.

- On reste ensemble, tu dis pareil que moi, on va être mesuré, pesé, on va nous examiner, nous poser des questions pour voir si nous ne sommes pas fou ni des criminels, nous demander d’où l’on vient, où on va, si on est marié, si on a des enfants…

- je ne parle pas l’anglais encore, je réponds comment si je ne comprends pas ce qu’il me dit ? S’inquiète Kazimierz.

-je répondrai,  tu diras comme moi.

- je ne sais même pas où on va ?

 -Notre adresse à New York c’est chez Grzybowski à Brooklyn.  Je donnerai l’adresse. T’en fais pas.

-bon…

-Ne t’étonne pas,  ajoute wlad, si je dis que c’est notre première venue à tous les 2.

-pourquoi ?

-c’est mon affaire…moins tu en sais mieux ça ira, tout comme l’Amérique.

- ils ne vérifient pas ?

-non…je crois pas,  et en plus ya trop de monde, pis qu’est ce qui prouve que c’est moi ? Les employés sont des centaines, ils voient passer des milliers de pauvres étrangers comme nous ! Faudrait vraiment avoir la guigne pour tomber sur le même que la dernière fois ! et qu’en plus il me reconnaisse !

- ah …fait-il sceptique

 - bon ben fait pas cette tête sinon ils vont chercher à savoir pourquoi tu as peur ! dit il rudement, ne t’en fait pas, l’employé parlera en polonais. Aller, souris ! et si tu  dis comme moi, on n’a pas à s’en faire.

 

Les fonctionnaires de l’enregistrement sont plus ou moins patients, ils sont bilingues en effet , mais pas toujours très empathiques avec leurs compatriotes. Ce petit air supérieur que certain prennent est assez insupportable.

 

Les tracasseries d’admission se sont bien déroulées, ils sont désormais enregistré, et peuvent se rendre à Brooklyn.

 

L’accueil est plutôt glacial. Le beau-­frère de wlady est un ouvrier dans une usine de conserve. Il vit  avec femme et enfants dans un logement de briques à plusieurs étages, un peu décrépis. Le quartier autrefois italien, est peu à peu devenu polonais. Il règne une drôle d’odeur d’un mélange sucré, de poisson et de choux, assez difficile à supporter la première fois. Mais on finit par s’y habituer…

Joseph est très croyant, c’est pourquoi il accorde l’hospitalité, mais fait vite comprendre que cela ne pourra pas durer car son logement est trop petit, qu’il ne peut faire vivre deux bouches de plus sans contreparties financières et indique à ses compatriotes l’adresse des bureaux de recrutements à Brooklyn.

 

Les deux frères s’accordent pour travailler quelques jours à la sucrière de quoi payer le billet de train pour  Detroit  Michigan où parait il  y a bien plus de travail.

 

 

Detroit.

 

C’est une ville industrieuse,  enfumée, noire de suies, parfois difficilement respirable, mais où la main d’œuvre est la bienvenue. Kazimierz trouve une place  très vite d’ouvrier à la « Cadillac motor and co ». le travail y est pénible, mais pas trop mal payé.  Les ouvriers sont logés dans le quartier polonais, ici chaque communauté de langues ou de couleurs se regroupe.

La vie est rude aussi ici. Il fait froid, humide. Parfois le vent ramène le brouillard du lac et on se perdrait près de chez soi.

Mais il s’applique à envoyer un mandat chaque fin de mois, ou presque, en Pologne. Il n’y a pas de courrier pour lui, jamais. Ewa ne sait pas écrire. Pourquoi Cecilia ne lui écrit pas, pourquoi ne lui dit-elle pas si le bébé est né ? s’il est un garçon, ou une fille ? si Ewa va bien ? si elle est toujours vivante ? si elle a bien reçut les mandats ?

 

Parfois, ces questions l’envahissent tellement, qu’il les fait taire, à coup de vodka. A Détroit, dans le quartier polonais, il y a une épicerie, tenue par Jan et Maria Karanowski. La vodka vient du pays, elle endort la douleur de l’absence.

 

 

 

 

   Woïdek ou Wladek sont les diminutifs de Wladyslaw

Stasiek est le diminutif de Stanislaw ou Stanislas.

Kajiu est le diminutif de Kazimierz ou kazimir.

Wlady  ou wlad Diminutif  américain de wladyslas

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22 octobre 2009 4 22 /10 /octobre /2009 16:35

L’enfance :

 

Kazimir est sur le pas de la porte, un sac de toile en travers de sa veste rapiécée, un chapska sur la tête.

 

Il se retourne, hésite un instant, jette un dernier regard sur son fils Stanislas d’un an seulement, qui lui sourit. Quand les reverrais-je ? pense-t-il tristement.

 

Halina sa femme cache une larme, elle l’essuie furtivement dans son fichu coloré qu’elle porte sur la tête. Ils ont déjà longuement discuté de ce départ. Elle se sent si seule déjà, mais quelles autres solutions y a-t-il ? La terre, même infertile, ne leur appartient pas, la Pologne plus non plus d’ailleurs. les prussiens, autrichiens et russes se l’a sont partagée. Que reste t il pour eux autres ?

Son ventre déjà arrondie la robe de laine grise, derrière un tablier aux couleurs d’autrefois, les deux si usés qu’ils laissent deviner l’épaisseur du tissu d’en dessous. Il lui sourit, et dit d’une voix qui se veut rassurante « quand je rentrerai nous aurons de quoi nous acheter notre terre à nous, nous y cultiverons des pommes de terre, nous élèverons des poules, des lapins…sa voix s’éteint, gênée d’oser y croire. Il reprend moins sûre de lui, mais d’un ton plus fort, « je t'enverrai de l’argent, tu peux compter sur moi, ne t’inquiètes pas, je rentrerai bientôt, ou bien je vous ferai venir auprès de moi »

 

Les années ont passées, presque huit ans. L’argent promis a beaucoup tardé à arriver, puis n’est plus arrivé du tout en tout cas dans la poche d’Halina. Aujourd’hui elle n’est plus l’ombre que d’elle-même. Les suées de la nuit la laisse sans force au matin, et cette toux qui l’épuise toujours un peu plus, la fièvre ne l’a quitte plus. La faim n’est pas seule responsable de sa faiblesse, beaucoup déjà dans le village sont mort du même mal. Elle sent sa dernière heure arriver, et n’ose penser à l’avenir de ses deux petits qui resteront seuls. Que vont-ils devenir ? Qui leur donnera à manger, qui prendra soin d’eux ?

Il y a bien la sœur de son mari Kazimir : Cecylia, mais celle-ci ne l’a jamais aimée, sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi, peut être était-elle jalouse de sa beauté ? Il est vrai que contrairement à Cecylia, petite et boulote, aux petits yeux rapprochés, Halina était grande, élancée, son beau visage ovale planté de magnifiques yeux bleus illuminés quand un sourire éclairait son visage. Elle était douce et tendre. Et chantait d’une voix fort mélodieuse les petites chansons traditionnelles du répertoire polonais dans toutes les occasions, ainsi que les cantiques à l’église. Sa belle sœur prendra-t-elle soins de ses neveux ? Car au fond son petit frère Kazimir, lui elle l’adorait ! Elle a la chance, elle, d’avoir épousé un homme qui possède des terres, même s’il est mort à la guerre il lui reste la ferme qu’elle sait mener d’une main de fer.

Alors dans la fièvre qui l’a terrasse lentement, Halina se plait à croire que cette femme prendra ses enfants comme les siens, les éduquera et en fera des hommes respectables, honnêtes et droit. Stanislas son si courageux ainé deviendra peut être un bon artisan menuisier ébéniste, lui si habile de ses mains, et si réfléchi, elle sait qu’elle peut compter sur lui pour prendre soin de son frère, tandis que son petit Tadeck si gourmand pourrait devenir pâtissier-cuisinier en entrant au service des riches bourgeois de Varsovie?

 

En rentrant des champs ce soir là, ils l’a trouvèrent un sourire serein sur les lèvres.


La cérémonie funèbre fut vite bâclée, sans argent on a droit à la fosse commune et le minimum de prières. Les temps sont dures, et il faut dire aussi, que ni Halina ni les enfants ne fréquentaient assidument l’église, l’épuisement de leurs forces au travail ne laissait plus de temps à des prières qui de toute façon ne les sortaient pas de la misère qui noircissait toujours plus autour d’eux. L’enfer était déjà là que craindre de pire ?

 

Cecylia recueille à contre cœur les deux enfants, elle prétend ne pas avoir les moyens de les nourrir, qu’il faudra travailler pour y avoir droit. Heureusement pour eux, à 9 et 8 ans Stanislas et son frère Tadeusz ont la chance d’être bien bâtit, solide sur leurs jambes, durs à la tâche. Ils courbent l’échine et ne pleurent pas, les larmes des petits malheurs de l’enfance sont déjà loin maintenant. Leur seule force c’est d’être ensemble. Stasciek prend en charge son cadet Tadeck, (ces diminutif de Stanislas et Tadeuzs qui ont la saveur d’enfance, resteront entre eux jusqu’à la fin de leurs vie) il l’encourage, le console, l’aide à comprendre le monde, il voudrait tellement le protéger des brutalités des hommes, de la faim du froid…

 

 

La tante Cecylia s’est montrée sous un jour qui n’a rien de tendre ni de protecteur. Du matin au soir les deux enfants triment comme des esclaves pour une maigre soupe en guise de repas. Lassé de ce régime, en 1922, Stasciek c’est renseigné, il a trouvé le moyen de suivre les traces du père dans l’exil. Au moyen d’un bureau de recrutement directement rattaché aux houillères françaises. Ils vont donc suivre le même cheminement que le père : en réponse à la misère on va chercher son bonheur ailleurs. Mais Stasciek ne veut pas lui ressembler, ce lâche qui les a abandonné, laissé livré à eux même, personne ne sait d’ailleurs où il se trouve, mort ou vif. Pas question de partir pour l’Amérique, de toute façon les frontières sont fermées désormais. Il se l’imagine menant la belle vie à Détroit, là d’où venaient les derniers mandats deux ans avant la mort de leur mère. Stanislas est le plus virulent , il juge et condamne ce père absent qu'il doit remplacer alors même qu'il n'a que 14 ans! Sa conscience de jeune homme s’éveille aux grands axes du monde, un monde à deux vitesses, les riches qui possèdent toujours plus, et le peuple qui se meurt à la tâche. Il a soif de vivre autre chose, d’apprendre toujours plus. L’école où il a eu la chance d’aller, même si c’est peu, lui a ouvert l’accès à la lecture, au calcul et à l’écriture. Il a continué seul, acharné à comprendre, posant des questions à tous ceux qui pouvaient lui apporter un savoir supplémentaire. Et il ne garde pas son savoir, mais le partage avec Tadeck, le poussant à faire comme lui.

 

Ils arrivent en juillet 1922, au bout d’un long périple en trains, camions et à pied, dans une petite bourgade du Tarn dans le sud ouest de la France. Ils accompagnent plusieurs compatriotes venus eux aussi travailler dans les mines de Charbon de CARMAUX. Ils y retrouvent une communauté polonaise regroupée dans des baraquements organisés par région et nationalités. Il y a aussi des Espagnols, des Hongrois, des Italiens…les habitations de fortunes, sans grand confort, dans une chaleur étouffante, sont néanmoins un havre de paix pour les deux enfants.

Tadeck et Stasciek s’installent cote à cote sur des châlits de bois, au pied duquel ils ont installés leur seule valise de haillons, c’est tout ce qu’ils possèdent.

 

Le lendemain ils vont se présenter au bureau d’embauche. On n’est pas très regardant sur l’âge des candidats, personne ne pose de questions sur ses deux enfants venus seuls, sans autres famille. Mais ici, le groupe fait office de famille solidaire autour d’eux, ont les prends en charges, et c’est bon d’être dans cette chaleureuse fraternité.

 

Et puis il y a le syndicat, constitué par un groupe d’hommes plus instruits. Il prend sa force dans le droit à la reconnaissance, aux respects des conventions, on y revendique et défend les plus faibles face aux plus forts, comme l’application effective des 8 heures de travail journalier. On peut s’y instruire, apprendre la langue française, ses droits, ses devoirs, s’ouvrir à la logique prolétarienne, aux revendications internationalistes, lire  Jaurès à l’honneur à Carmaux, car il y fut député socialiste, assassiné en 14, et ardent défenseur des ouvriers verriers et des mineurs.

Stanislas se sent exister enfin ! Enfin il n’est plus seulement l’outil d’un autre mais aussi acteur de son existence, enfin il peut devenir l’instrument du changement, pour un projet de société plus juste. Il revient des réunions politiques et syndicales toujours plein d’espoirs, enthousiaste prêt à relever les défis. Mais Tadeck, ne semble pas vouloir partager son exaltation. C’est la première fracture entre eux. Il n’a pas l’énergie, l’envie de se frotter aux combats. Ce n’est pas dans son caractère de revendiquer, de parler haut. il est timide, tout comme  Stasciek, qui,  pour le moment, ne fait qu’écouter, applaudir, lever le poing et chanter en français « l’internationale » qu’il vient d’apprendre avec les autres, dans la chaleur virile des espoirs qu’elle soulève. Tandis que Tadeck pause ses yeux bleu sur les robes légères des jeunes filles aux champs où à la mine dans la salle de tri et sourit, quand elles laissent le vent voir leurs mollets…l’une d’elle est plus effrontée que les autres, elle s’appelle Agnès…

 

Tadeck, ne suivra pas Stanislas en septembre 1926 dans les bassins de la Loire, il souhaite rester à Carmaux pour les beaux yeux d’Agnès. La belle néanmoins ne l’épousera pas lui, mais un gentil instituteur tout frais arrivé sur le secteur, une situation bien plus honorable pour les parents de la belle, que celle d’un vulgaire et sale immigré polack, mineur et syndicaliste . Le cœur brisé Tadeck suivra quelques semaines plus tard, d’autres polonais attirés par l’embauche massive d’un puits près de Marseille, il s’installera alors à Meyreuil, dans une cité de mineurs pour le restant de ses jours.

 

 

 

 

 

 

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14 septembre 2009 1 14 /09 /septembre /2009 18:23

l'enfance

 

Il est sur le pas de la porte, un sac de toile en travers de sa veste rapiécée, un chapska sur la tête.

Il se retourne, hésite un instant, jette un dernier regard sur son fils Stanislas, un an. Quand les reverrais-je ? pense-t-il. Les reverrais-je même un jour ?

Helena sa femme cache une larme qu’elle essuie furtivement dans son fichue coloré qu’elle porte sur la tête. Son ventre déjà arrondie la robe de laine grise, derrière un tablier aux couleurs d’autrefois, les deux si usés qu’ils laissent deviné l’épaisseur du tissu d’en dessous. Il lui sourit, et dit d’une voix qui se veut rassurante « quand je rentrerai nous aurons de quoi nous acheter notre terre à nous, nous y cultiverons des pommes de terre, nous élèverons des poules, des lapins…la voix s’éteint dans le souffle dans la gène d’oser y croire. Il reprend moins sûre  de lui, mais d’un ton plus fort, «  je t’enverrai de l’argent, tu peux compter sur moi, ne t’inquiète pas, je rentrerai bientôt »

 

Huit ans ont passé. L’argent promis a beaucoup tardé à arriver, puis n’est plus arrivé du tout. Helena n’est plus l’ombre que d’elle-même. Les suées de la nuit la laisse sans force au matin, et cette toux qui l’épuise toujours un peu plus, la fièvre ne l’a quitte plus, et la faim; La sienne n’a pas tant d’importance, mais celle de ces petits, c’est insupportable. Depuis plusieurs semaines déjà elle n’a plus la force d’aller travailler avec eux la terre des autres.

 

Les deux enfants ont suivi un cercueil d’emprunt jusqu'à la fosse commune, un enterrement de misère. La famille se réduit à la misère des temps. Qui à les moyens de recueillir deux orphelins ?ils n’ont que 9 et 8 ans.

 

Heureusement pour eux, Stanislas et son frère Tadeusz ont la chance d’être bien bâtit, solide sur leurs jambes, durs à la tâche. Ils courbent l’échine et ne pleurent pas, les larmes des petits malheurs de l’enfance sont déjà loin maintenant. Ils restent ensemble, c’est leur seule force. Stasciek s’occupant de son cadet Tadek Ces petits noms qui ont la saveur d’enfance, resterons jusqu’à la fin de leurs vie. L’ainé protégeant son cadet des brutalités des hommes, de la faim du froid…

 

Quatre ans plus tard, ils suivent les traces du père dans l’exil de la faim. Stasciek ne veut pas lui ressembler, ce lâche qui les a abandonné, laissé livré à eux même, personne ne sait d’ailleurs où il se trouve, mort ou vif. Pas question de partir pour l’Amérique, de toute façon les frontières sont fermées désormais. Il se l’imagine menant la belle vie à Détroit, là d’où venaient les derniers mandats deux ans avant la mort de leur mère. Stanislas est le plus virulent ! Sa conscience de jeune homme s’éveille aux grands axes du monde, un monde à deux vitesses, les riches qui possèdent toujours plus, et le peuple qui se meurt à la tâche. Il a soif de vivre autre chose, d’apprendre toujours plus. L’école où il n’a eu la chance que d’aller très peu lui a ouvert  l'accès à la lecture, au calcul  et à l’écriture. Il a continué seul, acharné à comprendre, posant des questions à tous ceux qui pouvaient lui apporter un savoir supplémentaire. Il ne garde pas son savoir, mais partage avec Tadek, le poussant à faire comme lui.

 

Ils arrivent en juillet 1922, dans une petite bourgade du Tarn  dans le sud ouest de la France. Ils accompagnent plusieurs compatriotes venus eux aussi travailler dans les mines de Charbon de CARMAUX. Ils y retrouvent une communauté polonaise regroupée dans des baraquements organisés par région et nationalités. Il y a aussi des Espagnols des Hongrois, des Italiens…les habitations de fortunes, sans grand confort, dans une chaleur étouffante.

Tadeck et Stacsiek s’installent cote à cote sur des châlits de bois, au pied duquel ils ont installés leur seule valise de haillons, c’est tout ce qu’ils possèdent.

 

Ils vont dès le lendemain se présenter au bureau d’embauche. On n’est pas très regardant sur l’âge des candidats, personne ne pose de questions sur ces deux enfants venus seuls, sans autres famille. Mais ici, le groupe fait office de famille solidaire autour d’eux, ont les prends en charges, et c’est bon d’être dans cette chaleureuse fraternité.

 

Et puis il y a le syndicat, constitué par un groupe d’hommes plus  instruits. Il prend sa force dans le droit à la reconnaissance, aux respects des conventions, on y  revendique et défend les plus faibles face aux plus forts comme l’application effective des 8heures de travail journalier. On peut s’y instruire, apprendre la langue française, ses droits, ses devoirs, s’ouvrir à la logique prolétarienne, aux revendications internationalistes, lire  Jaurès à l’honneur à Carmaux, ici c'est l'ancien député socialiste assassiné en 14, défenseur des ouvriers verriers et des mineurs.

Stanislas se sent exister enfin ! Enfin il n’est plus l’outil d’un autre mais acteur de son existence, enfin il devient l’instrument du changement, pour un projet de société plus juste. Il revient des réunions politiques et syndicales toujours plein d’espoirs, enthousiaste près à relever les défis. Mais Tadek, ne semble pas vouloir partager son exaltation. C’est la première fracture entre eux. Il n’a pas l’énergie, l’envie de se frotter aux combats, ce n’est pas dans son caractère de revendiquer, de parler haut. Stacsiek est tout  aussi timide, et pour le moment il ne fait qu’écouter, applaudir, lever le poing et chanter en français l’internationale avec les autres, dans la chaleur virile des espoirs qu’elle soulève. Tandis que Tadeck pause ses yeux bleu sur les robes légères des jeunes filles aux champs et sourit, quand elles laissent le vent voir leurs mollets…l’une d’elle est plus effrontée que les autres, elle s’appelle Agnes…

 

 

 

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