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27 mars 2024 3 27 /03 /mars /2024 09:51

Ils sont enlacés, comme deux naufragés sur une mer déchainée, ils s’agrippent l’un à l’autre, le cœur battant, ils coulent et veulent survivre à cette tempête en eux. Ils sont sur le quai d’une gare, leurs âmes, leurs corps, leurs cœurs sont emprisonnés l’un de l’autre.

Il la dévisage éperdu, mémorisant chaque courbe, celle de ses cils, de ses joues, la forme de son visage, de sa bouche qu’il saisit de ses lèvres, il voudrait garder le goût, le parfum en lui d’elle.

Elle s’accroche à lui se suspend à son regard si doux si chaud qu’elle se sent enfin belle. Elle caresse sa joue, ses cheveux, elle voudrait se souvenir de ses boucles qui glissent entre ses doigts. De cette sensation d’infinie, de sentir son odeur, sa peau sur sa peau à elle. Elle s’enivre de lui.

Il blotti sa tête dans son cou et elle frissonne, il sourit et la serre plus près de lui.

Ils n’entendent rien, ne voient qu’eux, coupé du monde dans cette bulle qu’ils sont seuls à habiter.  Ils prolongent encore ce temps en suspens, encore un baiser, des doigts qui se serrent et tissent l’avenir.

 Il y a quelques heures encore, ils riaient de cette chance d’être réuni, de ce trajet incroyable que l’univers à choisi pour eux les conduisant l’un vers l’autre, ils bâtissaient leur avenir, des enfants courant dans l’herbe, un toit, une lumière éternelle sur leur bonheur. Ils étaient certains que c’était écrit, qu’ils avaient raison, que rien ne les en empêcherait.

Elle prononce son prénom d’une autre culture, il lui murmure dans sa langue des mots doux. Ils savent mais ne veulent pas encore l’entendre, qu’ils auront à se quitter, lui d’un autre continent, elle d’ici. Mais il n’est pas encore temps, ils ont encore tant de minutes de secondes pour être unis, ensemble, serrés l’un à l’autre.

Soudain une annonce vient interrompre leur étreinte, le train entre en gare, le temps s’accélère, l’urgence de se dire encore plus fort, plus doux ce sentiment d’unité. Ils se murmurent ces choses secrètes à l’oreille, leurs cœurs se gonflent du manque qui les attends, ils ne veulent pas encore y penser mais leur corps anticipe, sait déjà.

Elle croit encore qu’ils auront du temps pour se dire mille choses, Il lui donne cette illusion en l’enlaçant encore. Ils se sont approchés de l’inéluctable, il a posé un pied sur le tremplin vers l’absence, elle ne renonce pas, ils enserrent leurs doigts, leurs yeux maintiennent le lien. Leurs lèvres prononcent des promesses silencieuses. Les yeux s’embuent, mais ils ne le sentent pas encore. La vie les bouscule. Ils voudraient suspendre le temps, mais l’inéluctable sifflet siffle la fin, il est monté dans le wagon, collé à la fenêtre il parle en silence, elle entend une promesse, elle lui sourit, son regard se brouille, humide.

Le train siffle, s’ébranle, elle marche à coté, la main levée comme pour le toucher encore, être dans sa chaleur, elle court, garder encore un tout petit moment ce regard qu’il pose sur elle et c’est trop tard. Mais elle continue encore un peu de courir au ralenti jusqu’au bout du quai.

Il n’y a plus que les rails.

Elle s’effondre. Repliée sur elle-même elle ose laisser le manque de lui l’envahir, la ronger, tout son corps est manque. Son cœur se comprime douloureusement, son ventre se contracte, sa respiration se saccade, elle croit que la vie pourrait la quitter là, à cet instant pour ne plus souffrir de cette absence cruelle. Elle pleure sans honte, à l’unisson de la pluie qui masque ses larmes. Est-ce qu’il pleut vraiment ?

Lui s’est assis, le visage tourné vers la fenêtre, il tente de respirer mais son cœur bat à tout rompre, il ne savait pas qu’il pourrait vivre cette intensité, cette explosion, ce miracle avec elle. Il n’avait jamais envisagé cela avant pour lui et il ne saura plus vivre sans. Comment vivre sans elle à présent ? il doit pourtant rentrer, c’est une déchirure, il ferme les yeux pour retenir l’eau qui pourraient déborder. Il la revoit à l’instant courir, son sourire, sa peau sur la sienne, son parfum, ses lèvres sur les siennes. Il sourit en repassant les heures d’avant, la tête posée sur le dossier il se laisse bercer par ses instants suspendus, comme hors du temps. Quand se reverront ils ? il n’ose pas encore compter les jours, les semaines, les mois et la mer entre eux.

 

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