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23 septembre 2011 5 23 /09 /septembre /2011 09:08

 

Quels conseils vous donnaient-ils ?

de Boczov, j’ai encore dans mes oreilles le son de sa voix, la manière dont il m’expliquait les règles de prudence, la lutte, posément, ce qu’on pouvait faire, ce qu’il fallait faire.

Une fois que c’était dit, c’était dit.

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Je me souviens un jour il m’a dit : « tu as une belle tête, je ne voudrais pas qu’on la coupe », j’ai été étonnée, mais flattée quand même !    

Je mettais en pratique tous ces conseils. Il ne s’agissait pas seulement de faire attention à ne pas être filée, il fallait aussi inspirer confiance à ceux qui allaient exécuter l’action, attendre qu’ils rapportent le matériel.

On attendait pas trop loin de l’action.                                                                                                                                               

Par exemple, un jour à Levallois, j’ai attendu Rayman et Manouchian c’est lui qui a lancé la grenade, j’ai repris le revolver de Rayman qui est arrivé, très pâle, les flics tirant sur lui. J’ai attendu que Manouchian arrive aussi, nous sommes descendus dans le métro, il ne savait pas que j’étais là. Il est allé dans la dernière voiture, moi aussi, de sorte qu’il aurait pu me remettre du matériel s’il lui en était resté. Quand il m’a vu, il a souri. Plus tard il m’a dit « j’ai eu l’impression d’avoir un ange gardien.. » j’ai eu le malheur de raconter ça à un couillon de journaliste qui en (à compléter)[5].

C’était une action importante, c’était la première fois que Manouchian jetait une grenade. Lui aussi il m’inspirait confiance. J’ai eu plusieurs rendez-vous avec Manouchian, il était très chaleureux, très fraternel, pas de la même manière que Michel ou Boczov. Personne…[6]

C’est vrai que j’avais déjà une certaine expérience d’agent de liaison quand j’ai commencé à travailler avec Manouchian. Je n’étais plus en contact avec Boczov, avec Michel, si. J’ai eu aussi un autre contact avec quelqu’un qui s’occupait du matériel…j’ai oublié son nom. C’est lui qui m’avait appris à fabriquer une grenade artisanale, il fallait prendre un tube en fonte, une cartouche de dynamite, un cordon un détonateur… (à compléter)[7]

J’ai appris tout ça dans la chambre d’une copine… (à compléter)[8].

Fin 42 ou début 43, Michel m’avait confié une bouteille, il m’avait dit de faire attention à ce qu’elle ne soit pas exposée à l’air, sinon, le produit s’enflammait.

Me voilà assise dans le métro avec cette étrange bouteille cachée dans un sac à provision, et elle se met à fumer. Inquiète, je suis sortie du métro, je suis rentrée au dépôt, ça fumait toujours ? J’avais peur, je ne me souviens plus ce que j’ai mis dessus pour bien boucher la bouteille.

Après la guerre, j’étais toujours dans cette chambre, 10 passage Courtois, à un moment, pendant la guerre, il y avait tellement de matériel que j’avais dû prendre une autre planque pour moi, une chambre de bonne rue Monge.

Le dépôt est tout le temps resté passage courtois. Et après la libération j’y ai encore vécu avec mes enfants. Pour en revenir à cette bouteille, quand j’ai voulu m’en débarrassé, j’avais déjà rendu tout le reste, je l’ai prise et je suis allée la jeter dans un terrain vague, ça a fait une grande flamme, j’ai eu peur, je me suis dit que les gens croirait que je voulais faire sauter tout le quartier !

Je ne sais pas si je dois te raconter ça aussi…tu sais que pour faire sauter les gazomètres nous mettions ce que nous appelions des crayons (de plastique). C’est Michel qui m’avait appris à les fabriquer, il fallait les mettre dans un  préservatif, je ne connaissais pas ça, je me promenais un peu partout  avec ce matériel spécial, et après la guerre, il m’en restait une bonne caisse chez moi, et je n’avais toujours pas connaissance de l’usage réel de cet engin…

 

J’ai eu pas mal de rendez-vous avec Manouchian à partir d’un certain  moment, j’ai travaillé avec lui. Je n’ai jamais travaillé avec l’équipe des dérailleurs. Un jour, pourtant, Michel m’a montré comment on se servait d’une pince pour déboulonner les rails, sur le terrain, il m’a fait une démonstration technique.

Durant la période où j’avais rendez-vous avec Boczov et Michel, j’ai eu aussi comme contact, Olivier et Manouchian.

Nous avions rendez-vous avec les copines de liaison. Je savais que tel jour, telle heure, je rencontrerai Lucienne, ou une autre à un endroit précis. A ces rendez-vous, nous n’avions que des échanges verbaux, Lucienne me disait par exemple : « à telle heure, tel jour, tu rencontreras Manouchian, tu lui  apporteras tel matériel, ou tu prendras tel autre matériel que tu apporteras à untel… »

Manouchian je le rencontrais souvent au parc Montsouris. Je me souviens que c’était toujours très agréable les rencontres avec lui, il me parlait de l’Arménie, il me racontait comment dans son pays on faisait sécher le raisin sur les toits des maisons, il parlait de son pays avec émotion, il se livrait davantage que les autres. Il était très sensible à la beauté des choses. Nous avions souvent des rendez-vous aussi au Palais-Royal. Un jour que nous étions là, et qu’il me racontait quelque chose, je vois passer une dame, très maquillée, les traits accentués, elle avait les cheveux noirs, très frisés, pieds nus dans ses sandales, elle avait les ongles rouges vifs de vernis, je la regarde passer, un peu étonnée, Manouchian me demande alors : « tu sais qui c’est ? », « non », « c’est Colette, l’écrivain », du coup je n’ai plus trouvé qu’elle exagérait, j’avais lu quelques-uns de ses livres et j’avais bien aimé.

Il expliquait pas mal de choses, parlait de littérature, ce que les autres ne faisait pas, car on était beaucoup plus strictes. Le travail un point c’est tout. On ne prenait pas le temps de de longues parlotes ! Avec Michel aussi c’était surtout le travail.

Michel a fait la connaissance de Dasha, à la campagne. Nous avions du matériel à récupérer dans la région, il a aussi réparé les casseroles de Dasha, il est venu manger, et il a passé une soirée de Noël avec nous.

 

Vous aviez fait un arbre de Noël, des cadeaux ?

Non, il n’y avait pas d’arbre de Noël, la fête a du se passer chez les polonais, et non il n’y avait pas de cadeaux pour les enfants. Nous avions à peine assez d’argent pour vivre, pas assez pour les jouets. Les polonais avait fabriqué de la Vodka avec de l’alcool à 90°, je n’ai pas trouvé ça très bon, c’était chez Roman sa femme et son fils, qui habitaient un peu plus loin, dans un autre village. Nous avions mangé des gâteaux, sa femme les faisait très bien. Je m’en souviens, parce que nous avions toujours un peu faim, d’habitude. Les enfants n’étaient pas tellement habitués aux gâteaux, tu sais, la petite était encore petite, s’il y avait eu des jouets ce jour-là, cela devait être des petites choses.

 

Revenons à  Manouchian ?

C’était agréable d’entendre parler de L’Arménie, qui était pour moi un pays de légendes. D’ailleurs, il m’avait parlé du Mont Ararat, de l’arche de Noé, c’est ainsi que j’ai connu l’histoire du Mont Ararat.

Avec lui on ne discutait pas seulement de travail, il était gentil et chaleureux avec les camarades. Lucienne aussi était extrêmement enthousiasmée quand elle avait rendez-vous avec lui. Les rencontres étaient toujours chaleureuses.

Après la chute, nous n’avions pas su tout de suite qu’ils étaient tombés. Il ne vient pas à un rendez-vous, je vais au repêchage, il ne vient pas non plus (même heure, même endroit, le lendemain), ni au deuxième, ni au troisième, nous commencions à être catastrophées. Je rencontre Lucienne et lui demande : « tu as été au rendez-vous avec Manouchian ? », « oui, il n’est pas venu », alors on se doute qu’il est arrivé quelque chose. Je ne sais plus qui m’a prévenu, Michel ou Dupont. Je ne me souviens plus.

Quand nous avons appris avec Lucienne qu’ils avaient été arrêtés, nous avons pleuré toutes les deux, réfugiées dans un square.

Je n’ai plus revu Lucienne après, nous avons été dispersées, et elle a été tuée dans un bombardement.

Elle était très gentille, elle avait vingt-cinq ans je crois, elle était très jolie, elle était belle cette fille ! La première fois que j’ai eu rendez-vous avec elle, je la voit arriver avec le copain qui devait me la présenter, je me dis : « oh là là, qu’est-ce qu’elle est belle, qu’est-ce qu’elle a l’air sympathique ! » et tout de suite l’amitié… plus tard, elle m’a dit aussi : « quand je t’ai vu pour la première fois, je me suis dit qu’elle est sympa celle-là ! »

Lucienne, elle m’a paru grande. Elégante ? Elle n’était pas élégante, personne ne pouvait être élégante, nous n’avions pas de fringues, elle portait un vieux pull de son mari, mais tout ce qu’elle mettait sur elle, elle le portait bien. Je crois que tous les garçons qui l’on connut se souviennent encore d’elle, elle était vraiment jolie. Tu ne pouvais pas ne pas la remarquer dans la rue. Elle était de cette ville en Pologne où il y a cette vierge noire, c’est elle qui m’en a raconté l’histoire.

Une fois elle est venue aussi chez Dasha, à …

Elle était avec nous, Michel et moi, à l’occasion d’un transport de dynamite. Oui, c’est ça, elle était avec nous lors du voyage retour, je m’en souviens. Je t’ai raconté comment Michel m’a ordonné de remonté dans le train ?

Roman nous fournissait aussi du matériel, il en trouvait ou il en fauchait. J’étais donc responsable de ce paquet de dynamite. Le train faisait ses manœuvres sur les voies, j’avais l’habitude, puisque j’allais souvent là-bas voir ma petite famille. Je le savais bien que train faisais ses manœuvres à cette gare, mais qu’il reviendrait ensuite vers le quai. Nous étions descendu du compartiment, le paquet de dynamite était resté dans le filet du compartiment. Voilà que le train redémarre pour les manœuvres, j’avais une sciatique et voilà que Michel se fâche, et me donne l’ordre de remonter dans le train, j’ai beau lui dire qu’il va revenir, le train roulait déjà, il me donne l’ordre de remonter dans le train, je ne pouvais pas, à cause de cette sciatique, finalement nous sommes restés tous sur le quai, Michel, Lucienne et moi.

 

Pourquoi s’est-il fâché comme ça ?

C’était mon paquet, je l’avais en charge, j’aurais dû rester… bref, le train a fait sa manœuvre, et il est revenu. Je suis montée dans le compartiment, près de mon précieux chargement, et je me suis mise à pleurer, parce que Michel m’avait engueulé.

Il parlait à Lucienne, moi je pleurais dans mon coin. Nous n’étions que trois dans le compartiment, c’était vraiment une patache de train qui mettait 2 heures pour faire 60 km. J’avais de la peine, je respectais Michel, je l’écoutais toujours.

 

 

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